108°F – Chroniques humides
Promenades ligériennes sonores
Nous sommes un binôme de jeunes artistes, Noa Gautheron et Simon « Sélia » Latieule. Nous avons fait nos études ensemble à l’ESAD Orléans et venons d’obtenir nos Masters, option Design des Médias en juin dernier. Jusqu’ici, nous n’avions pas eu la possibilité de collaborer et de faire se rencontrer nos univers artistiques, ce qui nous amène à créer ce projet.
Je suis Noa, artiste plasticienne et live-codeuse. J’ai une pratique pluridisciplinaire à l’intersection des arts numériques (live-coding, webtoprint, art vidéo) et d’arts plus traditionnels (dessin et peinture). Mon travail démarre avec la volonté de faire coexister visuel et son. En tentant de me réapproprier le live-coding, la question du corps, du mouvement s’est greffée à mon univers artistique et c’est par l’intermédiaire de la performance que je créé du lien entre ses différentes dimensions.
Je suis Sélia, artiste plasticien.ne et cueilleuse-coloriste. Ma pratique se divise en plusieurs grandes thématiques liées les unes aux autres. J’ai une pratique de performance, qui se déploie principalement autour du dhuys, dans une tentative de tisser des liens avec le lieu et ses habitant.e.s, y compris non-humains. Ma relation avec ce territoire m’a amené à la fabrication de couleur végétales, avec les plantes sauvages et férales, afin de dresser une cartographie colorée des bords de Loire. Cette pratique est aussi collective, avec l’association Isina et le collectif de recherches qui en à émergé sur « La Couleur des Sauvageonnes ». Enfin, à partir d’objets trouvés, de machines obsolètes, je met en place des dispositifs low-techs me permettant de faire vivre les histoires de ces lieux qui me tiennent à cœur.
Moi, Sélia, je suis un.e transhackféministe. J’ai découvert ce mouvement dans le travail d’Aniara Rodado, transgressif et hybride, anticapitaliste et décolonial, il à été impulsé par le collectif Gynépunk. Je suis dans la lignée d’une écologie déviante, celle théorisée par Cy Lecerf Maulpoix; ce courant écoféministe étend le parallèle de l’exploitation de la Terre et du corps des femmes aux corps des personnes queers, tout en se positionnant clairement contre toute forme d’écofascisme. Moi, Noa, en venant m’infiltrer dans des milieux d’arts numériques hyper masculins, comme le live-coding, je m’inscris dans le courant cyberféministe. Tout.e.s deux, nous revendiquons la figure du cyborg, théorisé par Donna Harraway, qui court-circuite les distinctions entre humain et animal, entre organisme et machine, entre homme et femme, imposés par un patriarcat hégémonique, qui rejette la recherche d’un idéal de pureté pour embrasser la contamination, pour favoriser la porosité des savoirs, pour en promouvoir l’hybridation.
Projet
Ce projet émerge de la volonté de faire des ponts entre nos pratiques respectives, après cinq ans à se côtoyer dans les couloirs de l’ESAD. Nous avons déjà commencé à expérimenter un live-coding à 4 mains durant l’été et souhaitons l’intégrer à nos pratiques respectives de la performance. Nous souhaitons créer une installation immersive activable par le biais de la performance, qui serait bercé par les récits de de la Loire (son histoire, nos histoires, les histoires de ses habitant.e.s). Nous souhaitons tisser des alliances avec elle, avec ses habitant.e.s, avec les machines que nous fabriquons. Nous souhaitons utiliser la fiction comme outil d’hybridation, pour représenter nos imaginaires en brouillant les hiérarchies entre les discours. Pour cela, nous ferons aussi appel à l’humour, la générosité, l’exagération, l’artificialité, la théâtralité et l’excentricité de l’esthétique Camp. Nous souhaitons avoir une installation évolutive, par le biais de machines bricolées et de musique en temps-réel (live coding).
Références
Les questionnements politiques et poétiques du corps, du genre et de l’intime de l’artiste et performeur.euse Rose-Mahé Cabel.
Les performances « Transmutation de Base » & « Danser avec la Rue » de l’artiste et chorégraphe Aniara Rodado, tentatives de danser avec les plantes, de les faire danser, de danser comme elles.
La pièce « Hacking Choreography » de la chorégraphe Kate Sichio, qui recherche des similarités entre le code et la danse en hybridant les langages de programmations et les outils de la chorégraphie.
La compositrice et live-codeuse Alexandra Cárdenas dont les sets nous fascine.
Les fictions féministes et poétiques de Fanny Lallart, Marine Forestier et « l’autobiographie d’un poulpe » de Vinciane Despret.