Du 18 au 22 Mar

Catégorie : Résidence

108°F – Les gorgones

Compagnie Nephtys

Note d’intention

Notre envie de travailler sur les Gorgones prend racine dans les problématiques féministes qui nous tiennent à
cœur, ainsi que dans la mythologie qui occupe une grande place dans notre imaginaire. Le mythe de Méduse connait depuis quelques années un regain de médiatisation non plus au travers de sa mort avec le mythe de Persée, mais de son histoire de femme violée.
Le compte Instagram @maedusa_gorgon se réapproprie ce mythe afin de mettre en lumières les oppressions
sexistes : la figure de la Gorgone, femme en colère, devient représentante de toutes les femmes et personnes
sexisées. Dans le roman jeunesse Moi – Méduse de Sylvie Baussier, Méduse s’exprime à la première personne pour nous raconter son histoire et poser la question : et si ce n’était pas Méduse la méchante ? La question du viol est centrale dans cette œuvre, Méduse est présentée comme une victime et non comme un monstre. Cette question est également au centre du spectacle Méduse.s de La Gang (Compagnie What’s Up) : au travers de témoignages de femmes victimes de violences sexuelles, Méduse prend de multiples visages pour raconter cette histoire commune.


Nous ne souhaitons pas ici traiter spécifiquement des violences sexuelles, étant donné que cela a déjà été fait
de nombreuses manières. C’est la notion de regard qui nous intéresse, au travers de deux prismes : celui de la
statue et celui de l’intimité. Pour traiter cette notion, nous nous sommes demandé qui pourraient être les
gorgones aujourd’hui ? Nous avons pensé aux candidates de téléréalité et aux influenceuses, ces femmes exposées dans leur intimité et statufiées par cette surexposition.

La pétrification peut se rapprocher du male gaze:ce regard masculin va figer les femmes et leur corps dans une image unilatérale et lisse, comme des statues. On constate ce phénomène dans de nombreuses productions artistiques et de divertissement, comme la téléréalité. Dans le mythe, c’est Méduse qui a le pouvoir de pétrifier ceux qui croisent son regard, ce qui la rend monstrueuse aux yeux de tous. On peut considérer cela à l’inverse : ce serait le regard des productions et des téléspectateur·ices qui pétrifie les candidates et les emprisonne.
Dans certaines émissions de téléréalité telles que Secret Story ou Les Anges de la téléréalité, les candidates sont représentées dans leur intimité. On les voit se lever, se préparer, occuper leur journée, etc. Cependant si
l’intimité est montrée, elle n’est plus intime. Les frontières de l’intime sont donc déplacées par la surexposition. Cette question nous renvoie au mythe de Méduse qui n’existe au final qu’au travers du regards des autres : en tant que femme belle ou en colère, en tant que monstre, en tant qu’ennemie. Ces candidates deviennent des gorgones modernes figées par le voyeurisme et le jugement orchestrés parce genre de production.
Parce qu’elles représentent une certaine forme de féminité exacerbée, les candidates sont énormément
pointées du doigt et critiquées. En choisissant de s’exposer, elles deviennent coupables et méritent les
oppressions qu’elles subissent. Mais c’est bien le même sexisme qui est à l’oeuvre,comme pour toutes les femmes et personnes sexisées. Remettre en question les stéréotypes de la téléréalité, c’est donc remettre en
question les stéréotypes sexistes à l’échelle de notre société.

Distribution

Mise en scène et texte – GabrielleDecourt-Mesa et Eloïne Vellaine

Interprétation – Julie Deniel, Thelma Trébel et Magalie Paquier

Composition musicale – Krishnamorte

Costumes – Eva Goudard